« Le pouvoir monétaire est inséparable de la souveraineté nationale. »
Cette citation de Modibo Keita, premier président de la République du Mali, est aujourd’hui plus que jamais actuelle. En effet, l’une des caractéristiques de tout État souverain est sa capacité à battre lui-même sa monnaie. En d’autres termes, toute nation souveraine conçoit, crée, produit et contrôle sa monnaie c’est-à-dire son système monétaire.
La monnaie dont il est question ici – le franc CFA – est utilisée dans quatorze (14) pays d’Afrique dont huit en Afrique de l’ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo qui forment l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)) et six en Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad qui se sont regroupés au sein de la Coopération Économique et Monétaire en Afrique centrale (CEMAC)). Elle n’est pourtant produite dans aucun de ces pays qui furent toutes des colonies françaises et ont obtenu leur indépendance de la France en 1960 à l’exception de la Guinée-Bissau (1973 du Portugal) et de la Guinée équatoriale (1968 de l’Espagne).
À sa création, par la France, le 25 décembre 1945 le franc CFA était défini comme le Franc des Colonies Françaises d’Afrique. Nom qui lui seyait bien puisqu’il résultait de la politique coloniale française qui voulait toujours contrôler ses colonies. Ainsi, les rebellions suscitées par des africains afin de se séparer de cette monnaie furent soit étouffées dans l’œuf, soit réprimées sévèrement. On pourrait citer l’assassinat du premier président de la République du Togo Sylvanus Olympio qui envisageait de créer une monnaie togolaise, la motivation de Modibo Keita du Mali d’avoir sa propre monnaie mais qui en fut dissuadé par des accords multilatéraux ou encore la très célèbre opération « Persil », du nom de l’acte de sabotage de l’économie guinéenne par la France. Il s’agissait, dans ce dernier exemple, de fabriquer depuis la France des faux billets de la nouvelle monnaie guinéenne et de les déverser sur le marché guinéen, ce qui fragilisa durement l’économie du pays.
Avec le temps le franc CFA change de nom en tenant compte des deux zones dans lesquelles il est utilisé. Pour la zone UEMOA il sera le franc de la Communauté Financière d’Afrique et pour la zone CEMAC le franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale. L’une des caractéristiques du franc CFA qui paraît pour le moins curieuse est qu’il n’existe pas une libre convertibilité entre le franc CFA utilisé en Afrique de l’ouest par les pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et celui utilisé en Afrique centrale par les pays de la Coopération économique et monétaire en Afrique centrale (CEMAC). C’est-à-dire qu’un citoyen béninois par exemple qui se rend au Cameroun devrait échanger son franc CFA contre celui utilisé au Cameroun. Aussi le principe de la fixité des parités (le franc CFA est arrimée à l’Euro et son taux de change est fixe : 1€ = 655,957 Fcfa) empêche les États africains d’ajuster leur monnaie par rapport au fluctuations du marché économique. Que les prix des matières premières ou des bien de production soient en hausse ou en baisse, le taux de change du Fcfa est toujours fixe.
Mai tout ceci pourrait bien être du passé du moins pour la zone UEMOA qui a décidé de remplacer son franc CFA par une nouvelle monnaie nommée ECO dès 2020. Celle-ci devrait rompre avec les règles de son prédécesseur en laissant une large part de manœuvre aux États africains qui pourront gérer comme ils le souhaitent leur système monétaire. Toutefois l’Eco qui devrait être élargie à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ne reçoit pas l’accord de tous les pays de cette communauté notamment le Nigéria et le Ghana, deux poids économiques majeurs.
Pour plus d’informations sur le franc CFA lire :